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Yacine Bendjaballah est le directeur général de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). La société qu’il dirige vient de confier à Alstom un contrat de fourniture de 17 trains Intercités Coradia Polyvalent. Montant de la commande : 200 millions d’euros. Portrait d’un patron du secteur public. Il est un enfant de la SNTF. Un pur produit de la Société nationale des transports ferroviaires. Yacine Bendjaballah, né en 1964 à Sétif, doit tout à cette entreprise. Après son baccalauréat Sciences, celui qui a grandi à Alger s’engage dans des études d’ingénieur. Brillant, le jeune homme décroche une bourse pour parachever sa formation à l’étranger. Direction Saint Pétersbourg ! Avant qu’il ne s’envole pour la Russie, la SNTF a la bonne idée de lui faire signer un contrat de fidélité de 11 ans, en échange du financement de ses études. Six ans plus tard, un diplôme d’ingénieur en exploitation ferroviaire en poche, Yacine Bendjaballah est de retour. Formé, opérationnel et parfaitement russophone. Il entame alors sa carrière à la SNTF. Nous sommes en 1990. Yacine Bendjaballah se distingue… en obtenant l’autorisation de conduite de train ! Depuis la cabine de pilotage, l’ingénieur sillonne le pays pendant un an et développe une connaissance approfondie du réseau algérien. « Je voulais surtout le faire par curiosité personnelle », explique-t-il aujourd’hui. Pas à pas, il monte dans la hiérarchie. De directeur d’unité – il dirige tous les conducteurs – et du système d’exploitation à directeur de la région d’Oran. Il change de métiers, un temps, quand il est nommé PDG de la filiale du groupe qui s’occupe du transport de ciments et engrais. Yacine Bendjaballah rejoint ensuite la direction commerciale. Jusqu’au 10 septembre 2013. Ce jour-là, il devient le directeur général de l’ensemble de la Société nationale des transports ferroviaires. Depuis, il est l’homme des défis. Modernisation du réseau, extensions de lignes, mise en place des contrats d’exploitation, acquisitions de nouveaux autorails, amélioration du service client … À l’entendre, le plus difficile est de gérer « les aspects sociétaux » : « On s’est habitué au désordre de notre mode de fonctionnement. Nous n’avons pas de référentiel pour savoir si l’on avance bien ou pas. » Il reconnaît que « changer les mentalités est très difficile. Pour l’être humain, il faut travailler sur l’environnement, le sensibiliser, le former aux normes exigées. Il est là, le grand défi. » Les grèves et les retards à répétition nuisent à la répétition de l’entreprise ? Yacine Bendjaballah rétorque que son parcours 100% SNTF l’aide beaucoup à mettre de l’huile dans les rouages. « Il n’y a pas un conducteur que je ne connaisse pas dans l’entreprise, avance-t-il. C’est un atout pour gérer les situations de crise. Le message passe mieux avec quelqu’un qui a le vécu des employés. » Profondément marqué par l’accident du Thenia-Alger, qui a fait un mort et 65 blessés en novembre 2014, le DG de la SNTF sait que l’entreprise n’a d’autre choix que d’évoluer et d’automatiser certains process. Optimiste, Yacine Bendjaballah affirme que si elle réussit à surmonter son retard, « l’Algérie peut être le Dubaï de l’Afrique. » Il faut pour cela dépasser l’attrait pour le « made in barra » comme il dit, cette manie de croire que tout ce qui vient de l’extérieur est meilleur. « Il faut apprendre à consommer algérien » insiste-il. Son entreprise donne l’exemple, avec un projet d’école des chemins de fer à Annaba. « L’idée m’a été inspirée par mon école en Russie » dit-il. Le DG aimerait aussi que la SNTF se diversifie davantage. Le fret – qui représente moins de 2% de l’activité en raison du manque de trains – est l’une des pistes. « Le marché change, il est temps de concurrencer la voiture, le camion et même l’avion, explique-t-il. Tout est possible à condition d’avoir les bons moyens matériels. »