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Reportage Histoires de Bergers avec Jean-Pierre Jouffrey ... SUR L'ALPAGE de Périoule, à deux mille mètres d'altitude, au coeur du massif de Belledonne (Isère), le loup rôde. Ces dernières années, Jean-Pierre Jouffrey, 54 ans, un berger d'Arles qui vient chaque été avec ses trois mille moutons dans ces montagnes, a déjà perdu des dizaines de bêtes suite aux attaques du prédateur. Mais l'homme n'est pas du genre à capituler face au loup : « Je me battrai jusqu'au bout et l'on verra qui, de lui ou de moi, gagnera. Devoir surveiller le troupeau vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec toute ma famille, ma femme, mes enfants, deux aides-bergers et des amis, ce n'est pas une vie. » « Il faudrait que l'on puisse les tuer chaque fois qu'ils s'attaquent à un troupeau » Jean-Pierre Jouffrey a appris hier les mesures annoncées par Serge Lepeltier, ministre de l'Ecologie. Il est dépité. « Tout ça ne sert à rien, c'est honteux. Ce n'est pas en tuant quatre loups sur les quarante, cinquante ou soixante existant - personne ne connaît le chiffre, même pas les autorités - que l'on va résoudre le problème. Quatre loups, c'est dérisoire. Il en restera encore beaucoup trop. Il faudrait que l'on puisse les tuer systématiquement chaque fois qu'ils s'attaquent à un troupeau. Et puis, certains départements, comme la Savoie où il y a eu beaucoup d'attaques et l'Isère où je me trouve, ne sont même pas concernés par le plan du ministre. C'est incompréhensible alors qu'une des meutes les plus importantes de France se trouve justement dans le massif de Belledonne. » Jean-Pierre Jouffrey est un homme exaspéré : « Je ne peux plus supporter de voir mes bêtes égorgées par le loup. Mes brebis, je les aime, je les connais toutes, je les appelle par leur petit nom. De les voir tomber sous les crocs du loup, ça me rend malade. » Officiellement, les bergers ne peuvent pas tuer les loups, une espèce protégée. Certains ont déjà été condamnés pour avoir enfreint la loi. Mais, sur le terrain, la colère est la plus forte : « Bien sûr que j'ai un fusil, et des amis de la région qui viennent m'aider à surveiller mes bêtes sont aussi armés. Chaque fois que j'ai vu un loup, je lui ai tiré dessus. L'autre jour, j'ai tiré onze coups pour faire fuir plusieurs loups qui attaquaient le troupeau. C'est de la légitime défense. » En novembre 2000, Jean-Pierre Jouffrey avait fait l'objet d'une enquête préliminaire pour port d'arme illégal et destruction d'espèce protégée. Il clamait en effet haut et fort qu'il avait tué un loup. Mais la dépouille de l'animal n'ayant jamais été retrouvée, la justice a classé l'affaire. « Beaucoup de bergers ont décidé de ne plus se laisser faire en tirant sur le loup quand c'est possible. Ils ne le crient pas sur les toits, mais ils ne vont pas attendre une autorisation écrite du ministre pour défendre leurs bêtes », explique un syndicaliste agricole. Combien de loups ont déjà été tués par les bergers ? Impossible de le dire. Reste qu'abattre le prédateur n'est pas chose facile car le loup attaque la plupart du temps de nuit. « Toucher l'animal dans ces conditions au milieu d'un troupeau affolé, c'est du sport », reconnaît un éleveur. Certains envisagent, du coup, l'utilisation de pièges ou de poison. Jean-Pierre Jouffrey, le berger d'Arles, reste toujours aussi déterminé : « Mes enfants, Didier, Yves et Sandra, veulent devenir bergers. Je veux leur laisser la même montagne que m'avaient laissée mon père et mon grand-père. Ils avaient exterminé les loups. Et moi, maintenant, je me bats pour ça. »