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Où en est le continent africain aujourd’hui ? Accès à l’énergie, économie, politique, création d’emplois, technologie.Momar Nguer nous fait partager son expertise sur tous ces sujets ow.ly/2Hk1301jNyU Vous connaissez particulièrement bien ce continent, vous êtes franco-sénégalais, vous avez été longtemps le directeur de la branche Marketing & Services de Total en Afrique et au Moyen-Orient. Quel est votre sentiment général sur ce que vit aujourd’hui l’Afrique ? L’Afrique soulève toujours énormément de passion. On passe de l’afro-optimisme à l’afro-pessimisme. Face à la menace terroriste, on voit qu’il existe, en Afrique, des Etats. On en a souvent douté. Au sujet des matières premières, et de la baisse des prix du pétrole : on a tendance à généraliser, or tous les pays africains ne sont pas producteurs de pétrole. Le secteur des matières premières ne génère pas de création d’emplois. Or le sujet de l’Afrique aujourd’hui, c’est la création d’emplois. Les économies des 5 ou 6 pays producteurs ont été impactées par la baisse du prix. Pour les non producteurs, le prix de l’énergie a baissé, leur économie est donc un peu relancée. Quels sont les atouts et les obstacles principaux de l’économie africaine ? Quelle est votre vision ? Je pense toujours que la politique détermine l’économie. D’immenses progrès en matière de démocratie ont été accomplis en Afrique. C’est le principal changement de ces dernières années, des alternances politiques. Les règles en place au sein de l’Union africaine font que les coups d’Etat militaires ne sont presque plus possibles aujourd’hui. Pour l’économie, cela veut dire qu’il y a plus de ressources pour les Etats, une gestion plus vertueuse des fonds publics, plus de projets pour construire des routes, des écoles… Les politiques sont vraiment redevables aujourd’hui. Grâce à la formation des nouvelles générations, nous avons une nouvelle élite, d’entrepreneurs en particulier. Qu’en est-il ? C’est une génération complètement décomplexée qui vise l’efficacité économique, qui sait où sont ses intérêts, et qui arbitre entre les différents partenaires qui se présentent. Que faut-il pousser aujourd’hui dans les atouts de l’Afrique ? C’est un très gros marché, à nos frontières (à 3 heures de vol depuis la France), d’un milliard d’habitants, en deux langues (français et anglais), très jeune, avec une classe moyenne qui représente entre 100 000 000 et 300 000 000 d’habitants. A Nairobi, vous pouvez payer votre taxi avec votre téléphone. Est-ce que ce gap technologique continue ? Dans l’énergie par exemple ? Nous allons avoir, dans les cinq prochaines années, une révolution dans l’énergie solaire par exemple, qui sera au moins équivalente à celle des téléphones. Le problème de l’accès à l’énergie aujourd’hui, c’est que l’énergie est générée à un point A, transportée à un point B qui est à 200 ou 300 km, avec des pertes lors du transport. En point C, une ville de 100 000 habitants. Il y a un vrai problème d’optimisation des moyens. Avec des systèmes hybrides – solaire + diesel, solaire + gaz – on va pouvoir générer de l’électricité pour la ville, sans transporter. Egalement à l’aide systèmes permettant de générer de l’électricité pour soi-même et éventuellement le voisin. L’accès à l’énergie est l’un des vecteurs du développement et nous allons vers une grande révolution en Afrique dans ce domaine. Tout n’est pas rose dans le développement du continent, la pauvreté, l’éducation… Quel est le principal obstacle aujourd’hui pour l’Afrique ? Le continent doit générer beaucoup plus d’emplois. Il faut promouvoir la création d’entreprises. Le rapport ville/campagne est également problématique. En ville, vous avez une carte d’électeur. Les hommes politiques sont évidemment plus sensibles à ce que disent les électeurs que le reste de la population. Dans les campagnes, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore de carte d’identité, qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Ce qui fait que les politiques publiques tendent à favoriser les villes. L’accès à l’eau et l’électricité, la construction de routes, c’est en milieu urbain. On oublie les politiques en matière d’engrais, de semences, pour fixer les paysans sur leurs terres. C’est doublement dangereux car l’on ne parvient pas à fixer les populations sur les terres. Elles viennent en banlieue des grandes villes, dans des conditions pas idéales, c’est la première migration. Ces populations-là migrent des banlieues vers les métropoles européennes. C’est parmi elles que se trouvent les migrants en pirogue qui vont mourir en Méditerranée. On oublie l’origine de ces migrations, qui de mon point de vue, vient de l’écart qui se creuse entre villes et campagnes.