404Nombre de vues
Évaluation

Les peuples européens actuels sont le fruit de mouvements de populations qui ont débuté à l'issue de la dernière glaciation. Telle est la principale conclusion d'un article publié dans Nature le 2 mai dernier par une équipe internationale réunissant des dizaines de chercheurs, dont plusieurs CNRS. L'étude, qui s'appuie sur l'analyse du génome complet de dizaines d'hommes ayant vécu en Europe entre -45 000 et -7000 ans, révèle que les premiers Européens n'ont connu aucun contact avec d'autres peuples durant les 30 000 années qui ont suivi leur arrivée sur ce continent. Ces travaux qui expliquent par ailleurs dans quelles circonstances les Européens ont ensuite acquis des caractéristiques génétiques similaires à celles des populations actuelles du Proche-Orient révèlent en outre que la part d'ADN Néandertalien présent dans leur génome a diminué lentement au cours des derniers millénaires. En Europe, les premiers hommes modernes sont arrivés d'Afrique il y a environ 45 000 ans. Les vestiges de ces cultures de chasseurs-cueilleurs mis au jour par les archéologues témoignent aujourd'hui avec force détails de leur mode de vie. Ces nombreuses découvertes ne permettent pas cependant d'expliquer comment les différentes populations d'Homo sapiens présentes en Europe à cette époque étaient liées les unes aux autres et aux humains actuels sur le plan génétique. Une étude mobilisant des scientifiques du monde entier est parvenue pour la première fois à répondre à ces questionnements scientifiques en procédant à une analyse phylogénétique inédite. Des chercheurs des laboratoires ArScAn (CNRS/Univ.Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Univ. Paris Ouest Nanterre La Défense/ Ministère de la Culture et de la Communication), PACEA (CNRS/Univ. de Bordeaux/ Ministère de la Culture et de la Communication), TRACES (CNRS/Univ.Toulouse-Jean-Jaurès/Ministère de la Culture et de la Communication) et Chrono-environnement (CNRS/ Univ. de Franche-Comté/Ministère de la Culture et de la Communication) ont notamment pris part à ce travail d'investigation approfondi qui aura nécessité plus de trois ans d'enquête. Dans un premier temps, les scientifiques ont appliqué les meilleures techniques de décontamination et d'enrichissement disponibles sur des échantillons d'ADN prélevés dans des os fossilisés d'Homo sapiens découverts à travers toute l'Europe. Au total, l'équipe est ainsi parvenue à séquencer le génome complet de 51 humains ayant vécu entre -45 000 et -7000 ans avant le présent. Grâce à ce jeu de données sans précédent, les chercheurs ont pu réaliser la première étude phylogénétique de la population humaine d'Europe à l'échelle de cette période. Ils ont ainsi démontré que jusque vers -14.000 ans, tous les Européens étaient issus de la même population fondatrice elle-même divisée en deux branchesdistinctes. "La première de ces branches qui semble d'abord disparaître rapidement pour être remplacée par la seconde réapparaît à la fin de la dernière glaciation dans le sud-ouest du continent européen, où elle a pu trouver refuge, puis recolonise l'Europe à la faveur du recul de la calotte glaciaire", détaille Isabelle Crevecoeur, paléoanthropologue au laboratoire PACEA de Bordeaux et cosignataire de l'article. L'étude montre également que c'est vers la fin de cette même ère glaciaire, autour de -14 000 ans, qu'un renouvellement majeur de la population européenne intervient. A compter de cette époque, les caractéristiques génétiques de l'ADN des Européens se rapprochent en effet de celles des populations actuelles du Proche-Orient. Les échanges de populations entre l'Europe et cette région auraient ainsi débuté bien plus tôt que prévu. "Jusqu'à présent, nous supposions que les premiers contacts avec les peuples de l'actuel Proche-Orient coïncidaient avec l'arrivée de l'agriculture en Europe, il y a environ 8500 ans, souligne Isabelle Crevecoeur. Or nos résultats attestent sans ambiguïté que des liens entre les Européens et les peuples à l'origine des civilisations mésopotamiennes ont existé bien plus tôt dans l'histoire de l'humanité." L'analyse détaillée du génome des premiers Européens a également permis aux chercheurs d'y mesurer l'évolution de la proportion d'ADN néanderthalien. Alors que celle-ci avoisine 6% chez nos plus lointains ancêtres, elle ne représente plus que 2% chez les hommes contemporains de la fin de la dernière glaciation. Etant donné que les populations européennes d'Homo sapiens ont vécu en vase clos durant toute cette période, une telle diminution ne peut donc résulter que d'un processus de sélection négative de l'ADN d'origine néanderthalienne. Comme si l'Homme moderne avait en quelque sorte voulu se débarrasser d'un héritage devenu trop encombrant au fil du temps. source:http://www.techno-science.net/