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A Madagascar se déplacer d'un point A à B aussi court soit-il relève d'une aventure. Ainsi, le mode de transport que vous choisissez ou que votre budget vous impose, conditionne sans aucun doute votre voyage. Si un trajet pouvait à lui seul donner un aperçu de la Grande Île, ses richesses et ses difficultés, ce serait sans aucun doute la ligne ferroviaire FCE (Fianarantsoa -- Centre Est). Seule et unique liaison régulière de passagers, le train reliant la capitale du Betsileo, Fianarantsoa, à Manakara, ville portuaire de l'océan indien, est certes un voyage découverte pour les touristes, mais surtout le poumon économique d'une région. Les 170km de voie, mis en service en 1934, permettent aux populations rurales (200.000hab) d'acheminer leurs productions agricoles, principalement banane et café, et de recevoir diverses marchandises introuvables dans leurs contrées. Si la ligne subit de plein fouet la déliquescence de l'économie malgache, c'est la nature -- puissante et luxuriante - qui est principalement à l'origine de sa dégradation. En mars 2000, les cyclones Eline et Gloria qui ravagèrent l'est de l'île rouge, provoquèrent plus de 280 éboulements, enterrant les voies sous plus de 150.000 mètres cubes de terre. Il faudra la mobilisation des plus grandes institutions internationales (USAID, Union Européenne, etc.) pour sauver le train. Le sauvetage in extremis du chemin de fer, a évité au pays une catastrophe écologique majeure. Sans les liaisons régulières et l'acheminement de denrées essentielles comme le riz, la population se serait assurément tournée vers une agriculture et un élevage peu respectueux de la forêt. Des chercheurs ont d'ailleurs évalué que l'arrêt du train aurait engendré la destruction de 100.000 hectares de forêt vierge (coupe, brûlis, etc.). Plus qu'un banal trajet en train, du tourisme responsable. Oubliez les 8 heures annoncées dans les guides de voyage, un minimum de 12 à 15 heures est aujourd'hui nécessaire pour réaliser Fianarantsoa -- Manakara. Mais la ligne FCE vous offre plus qu'un banal trajet en train, c'est une incursion en plein cœur d'une des régions les plus reculées de Mada et l'assurance de rencontres authentiques et merveilleuses. A chaque arrêt de l'une des 17 gares, l'envoûtant parfum épicé des lantanas laisse place aux suaves effluves de la spécialité culinaire locale. Poulets en sauce, écrevisses, ou fruits fraîchement cueillis sont harmonieusement disposés sur des plateaux que des enfants en guenilles cognent aux vitres des wagons afin d'attirer l'attention des passagers. Il n'est pas rare que ces arrêts en gare s'éternisent, sans explications. Subitement, votre locomotive disparaît avec deux wagons de marchandise durant une à deux heures. Pendant que les vazas (occidentaux) tentent d'obtenir une explication, les malgaches, fatalistes ou habitués au mora-mora (expression commune signifiant doucement), empoignent une guitare et chantonnent. Le touriste n'a d'autre choix que de redécouvrir la lenteur et la patience, dans un endroit sauvage où son argent ne pourra le sauver car rien est à vendre. Peu de personnes ont conscience de participer à la préservation du patrimoine malgache en achetant un billet FCE. En effet, malgré les nombreux litres de diesel et les rejets de C02, voyager sur cette ligne est un authentique acte de tourisme responsable et écologique.